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Petits écrits sur le lisible

 

« L’origine littéraire d’un concept géographique : l’image de la France duelle ».

Article paru dans La littérature, laboratoire des sciences humaines? Revue d’Histoire des Sciences Humaines, n°5 (Presses Universitaires du Septentrion, 2001, pp.61-93). Disponible sur :

http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RHSH&ID_NUMPUBLIE=RHSH_005&ID_ARTICLE=RHSH_005_0061

 

 

Le concept géographique de la France duelle n'est certes pas inventé par la littérature romantique, en revanche il semble bien avoir été imposé par celle-ci comme schème structurant de l'espace français. C'est grâce à elle que la France a été perçue comme le lieu idéal d'une synthèse dialectique entre les atouts quantitatifs (politiques, économiques et sociaux) du Nord et le prestige qualitatif (esthétique, éthique) du Midi. Le motif de la France duelle comme outil de compréhension dialectique du territoire, la volonté de le penser comme un tout organique et synthétique  et la promotion du genre de la description de paysage comme fondement de l'activité géographique nous semblent être les principales contributions romantiques à l'image de la France présentée dans un des textes fondateurs de la géographie humaine de la France, le Tableau de la géographie de la France de Paul Vidal de La Blache.

« Le paysage du Nord chez les écrivains romantiques : d’une poétique de la privation vers un sublime de la négativité ».

Article paru dans L'Image du Nord chez Stendhal et les romantiques, textes réunis par Kajsa Andersson, Publications de l’Université d’Örebro, 2004, tome I (pp.62-78).

 

9782353710058FS

 
  

Cet article cherche à montrer combien le Nord, érigé en mythe géographique, a pu donner naissance à un certain type de paysage autorisé, valorisé et en quelque sorte découvert grâce à l'émergence de l'esthétique du sublime à la fin du XVIIIème siècle et au début du XIXème siècle. La disparité paysagère des espaces nordiques (Ecosse, Russie, Scandinavie) a tout d'abord été unifiée par la prégnance de l'Ossianisme en Europe dans la seconde moitié du XVIIIème siècle et au début de l'ère romantique. Ossian, l' « Homère du Nord » selon l'expression de Mme de Staël, a permis de fixer les premiers éléments d'une poétique de la privation que l'on a associés, après lecture faite de Burke, à l'esthétique du sublime de la Grande Nature. L'ossianisme, interprété par le romantisme comme « mélancolie sublime » et « héroïsme de l'enthousiasme » (Senancour), fait grand usage de ce que Chateaubriand appellera, dans le Génie du christianisme, les « objets négatifs ». Le paysage du Nord va alors devenir le lieu (commun) idéal d'un sublime négatif de la vacuité qui fait la promotion de la monotonie anti-pittoresque comme mode d'accès à un type de rêverie proprement sublime où le sujet et l'objet se relèvent de l'accablement et s'élèvent (ou s'enlèvent) vers le ravissement extatique. La contemplation du paysage du Nord se présente alors, chez les romantiques, comme un exercice spirituel et la négativité de l'espace naturel devient l'image idéale d'une sublime énergie ontologique, métaphysique et éthique où le renoncement devient le signe d'une grandeur incommensurable. En effet, le paysage trouve sa correspondance idéale dans l'âme du contemplateur romantique, et il donne alors naissance à une idéologie anthropologique qui fait du pôle l'extrême limite et l'acmé d'un sublime moral, caractérisé par la pureté d'une énergie, d'une liberté et d'une grandeur absolues non finalisées et non socialisées.livepage.apple.com

 

« Julien Gracq, une traversée de l’espace romanesque: Le paysage emblématique dans Au château d’Argol ».

Article paru dans la revue Etudes, février 2005 (pp.221-229). Disponible sur :

http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=ETU&ID_NUMPUBLIE=ETU_022&ID_ARTICLE=ETU_022_0221

 

 
 

Dans ce premier essai romanesque, la description (mais faut-il encore l’appeler ainsi ?) se présente comme un principe unitaire où se fondent tous les éléments significatifs et le paysage, en tant que terrain de connaissance, cesse de n’être qu’un décor romanesque pour devenir non seulement le lieu mais surtout le milieu dramatique d’un enjeu fondamental, celui d’un épanouissement du personnage en tant qu’emblème d’une conscience agissante. Retenant l’ambition du Surréalisme, Gracq placera lui-même son travail littéraire dans un rapport d’ « assentiment », d’affirmation du monde. Il s’agit de « repenser ces noces rompues » et, à l’instar du Surréalisme, « revendiquer à tout instant la totalité de l’homme, qui est refus et acceptation mêlée, séparation constante et constante réintégration (…) en maintenant à leur point extrême de tension les deux attitudes simultanées que ne cesse d’appeler ce monde fascinant et invivable où nous sommes : l’éblouissement et la fureur ». Certains paysages du roman nous semblent particulièrement caractéristiques de cette ambition souveraine. Le paysage chaotique du cimetière marin incarne cette double postulation tragique et euphorique : à la fois « fureur » et « éblouissement », il souligne, dans le roman, les représentations, les évolutions et les tentations de la conscience en tant que « séparation » et « réintégration ». Libéré de la pure fonctionnalité de l’illusion réaliste, il prend une dimension signifiante et emblématique.

« Fonction narrative et signification esthétique du château en ruine dans Rêve d'enfer de Flaubert ».

Article paru dans Le château romantique, textes réunis par Pascale Auraix-Jonchière et Gérard Peylet, dans Eidôlon, Cahiers du LAPRIL, Université Michel de Montaigne, n°71, décembre 2005, pp.69-77.

Disponible sur : http://books.google.fr/books?id=Djwy-cReBcgC&pg=PA69&lpg=PA69&dq=le+scanff+flaubert+rêve+d'enfer&source=bl&ots=LOu9k3R45e&sig=mFXGhl6Z-HhlG2fu8AMcBBUyyAs&hl=fr&sa=X&ei=AIF1UJPuLuWu0QXL_oH4DA&sqi=2&ved=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=le%20scanff%20flaubert%20rêve%20d'enfer&f=false

 
 

 

Cet article a pour objet d'étudier la figure (narrative, symbolique, esthétique) du château en ruine dans Rêve d'enfer de Gustave Flaubert. Ce texte, rédigé par le jeune Flaubert en mars 1837, témoigne d'une inspiration fortement marquée par le romantisme, et même sans doute par ses excès et ses stéréotypes. La présence et la description de ce château en ruine, lieu d'habitation d'Arthur d'Almaroës, remplissent de façon évidente une fonction narrative. Il s'agit par le biais d'une relation de contiguïté de type métonymique, mais également par un rapport de conformité de type métaphorique, de rendre tangible, visible et manifeste ce qui demeure à la fois indicible et ambigu chez le mystérieux personnage qui hante ce château en ruine. Toutefois, le motif architectural possède également une fécondité symbolique et une signification esthétique. Son traitement indique au lecteur la possibilité d'une lecture allégorique que permettent en effet les références au Satan foudroyé du Paradis perdu de Milton. Ce "conte fantastique" s'inscrit ainsi délibérément dans le cadre d'une esthétique romantique marquée par une forme de christianisme ruiné, par la hantise d'une déchéance, d'un mal (du siècle) qui se dit comme malheur (mais aussi comme signe d'élection paradoxale: par le bas) et enfin par une forme de sublimité négative caractérisée par une poétique de la privation.

 

« Quinze jours dans le désert. Tocqueville et la wilderness ».

Article paru dans la revue Etudes, février 2006 (pp.223-233). Disponible sur :

http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=ETU&ID_NUMPUBLIE=ETU_042&ID_ARTICLE=ETU_042_0223

 

 

 

Le désert, ou wilderness, apparaît d'une part comme le concept fondamental du mouvement impérialiste de conquête coloniale du territoire américain et d'autre part comme une entité paysagère qui vise à fixer une nouvelle identité nationale pour l'espace américain. La wilderness légitime d'abord la conquête au sens où elle convertit le territoire indien en une terre vide qu'il faut habiter, en une Terra Nullius qu'il faut découvrir et acquérir, en un chaos qu'il faut organiser et ordonner selon les lois de la raison, en une sauvagerie qu'il faut éduquer, civiliser selon les lois de la religion. Cependant, au moment où Tocqueville parcourt ces contrées sauvages (vers 1830), le concept subit un retournement axiologique: sous l'influence des européens (dont Tocqueville), mais aussi d'un écrivain comme Cooper, la wilderness est réévaluée sous l'égide du concept du sublime pour devenir le symbole d'un nouveau territoire, l'espace américain, qui acquiert une identité propre et impose ainsi sa supériorité esthétique et par là même idéologique sur la vieille Europe. Ainsi, l'ambivalence originelle du terme de wilderness (le désert biblique, comme refuge désirable du divin et épreuve redoutable du malin), en dépit ou en raison de son retournement axiologique au tournant des années 1830, se trouve entièrement exploitée pour justifier à la fois le défrichement et la rationalisation du territoire au détriment de la nature indigène et pour incarner de façon exemplaire l'identité nationale d'un nouvel espace territorial. Ce concept permet ainsi de justifier l'impérialisme colonial et de légitimer le mythe d'un nouveau territoire. Si la wilderness a pu être définie comme une désignation du vaste ou du vide, on peut mesurer que son efficacité symbolique et idéologique proviendrait plutôt du fait qu'il s'agisse d'un concept vide, d'un vide de concept.

« Jacques de George Sand et le sublime : un personnage à l’essai ».

Article paru dans La pensée du paradoxe, approches du romantisme. Hommage à Michel Crouzet, textes réunis par Fabienne Bercegol et Didier Philippot, Presses de l’Université Paris Sorbonne, « Mémoire de la critique », 2006, pp.641-649. Disponible sur :

http://books.google.fr/books?id=EKTjqrtF_ogC&lpg=PA747&ots=tsAxskoqyf&dq=yvon%20le%20scanff%20sublime&pg=PA641#v=onepage&q=yvon%20le%20scanff%20sublime&f=false

 
 

  

Le personnage éponyme de Jacques, ce roman épistolaire de George Sand paru en 1834, est énigmatique à plus d’un titre. Il convient sans doute de prendre en compte (et au sérieux) ce que Sand elle-même a pu écrire : « Ce n’est l’histoire d’aucun de nous », « ce n’est qu’un essai ». La question reste de connaître la nature de cette tentative romanesque, de cette esquisse inachevée, à moins que le terme d’ « essai » soit à prendre au sens d’un questionnement problématique, personnel et littéraire d’une idée dont le roman serait alors le laboratoire. Le roman pose en fait une question esthétique en des termes qui relèvent sans doute de la problématique du sublime : comment réguler des pulsions et ce qu’elles peuvent engendrer comme destructions (de formes, de vies, de plaisirs) pour les transfigurer, les sublimer et leur donner un sens (une direction, une orientation ainsi qu’une signification) ? Il nous a semblé, pour notre part, que c’était cette esthétique du sublime qui pouvait nous permettre, sans en élucider le caractère énigmatique, de rendre compte d’un roman et d’un personnage impossibles. Le geste parabolique esquissé par Jacques est le geste du sublime : expression d’une souffrance absolue, il témoigne d’une résistance surhumaine qui élève l’individu au-dessus de la petitesse que la société des hommes voulait lui imposer ; il est grandeur par le malheur, élévation par l’abnégation, héroïsme par l’échec et la défaite. Le sublime conjugue les impossibles et désoriente les orientations géométriques de la morale : le haut coïncide avec le bas, le bas est d’autant plus haut qu’il est bas… Le roman semble inviter son lecteur à cette révolution utopique et sans doute impossible des mœurs de l’amour et de l’amitié par l’éthique du sacrifice et l’esthétique du sublime, qui donnent sens et beauté à la souffrance. Jacques, personnage-oxymore de feu et de glace, héros insensible par excès de sensibilité, en est un emblème évident.

 
 

« George Sand et la poétique du jardin naturel dans les Nouvelles lettres d'un voyageur »

Article paru dans Fleurs et jardins dans l'œuvre de George Sand, textes réunis par Simone Bernard-Griffiths et Marie-Cécile Levet, Presses Universitaires Blaise Pascal, collection « Révolutions et Romantismes », 2006, pp.103-113. Disponible sur :

http://books.google.fr/books?id=dmekvgr6yfcC&lpg=PA103&ots=DoRTMw7NTT&dq=yvon%20le%20scanff&pg=PA103#v=onepage&q=yvon%20le%20scanff&f=false

 

  

Les Nouvelles lettres d'un voyageur sont un recueil hétéroclite d'articles, de critiques, de chroniques et de récits de voyage publiés autour de 1868. L'unité de ce recueil existe néanmoins sur un plan thématique et problématique: elle réside dans une réflexion philosophique cohérente et passionnante sur la nature (notamment la botanique) et sur son appréhension esthétique par les genres du paysage et du jardin. C'est par l'intermédiaire de la notion de jardin naturel (défini comme « sans clôture, sans culture ») que l'on souhaiterait pénétrer au cœur de cette œuvre (?) pour rendre compte de son unité et de son originalité. En tout premier lieu, sur un plan plus philosophique, cette poétique sandienne du jardin cherche ainsi à dépasser les oppositions catégorielles (« l'antithèse est une impasse » déclare-t-elle) de la représentation et de la réflexion pour promouvoir l'idée synthétique et organique de « milieu »: le jardin sera alors la manifestation naturelle de la nature, l'extériorité visible d'un milieu caractéristique. Le jardin naturel « sans culture » est alors le lieu privilégié pour la recherche d'une possible philosophie de la nature, entée sur la botanique. Le jardin naturel « sans clôture » se définit également sur un plan esthétique comme un « idéal de jardin puisqu'il se lie au paysage et le complète ». Il semble alors conditionner une représentation esthétique paradoxale et synthétique qui unit art et nature, beau et sublime, jardin et paysage. L' « oasis », l' « Eden », le « nid » etc. seront les formes paradoxales privilégiées par le jardin naturel dans lequel l'antithèse logique s'épanouit comme complétude féconde, vivante et harmonieuse de la sensibilité esthétique et de la totalité naturelle.

 

« Hugo et le jardin : démythification et symbolisation »

Article paru dans Eidolon, n°74 : « Les mythologies du jardin de l’Antiquité à la fin du XIXème siècle », Presses Universitaires de Bordeaux, 2006, pp.219-227. Disponible sur :

http://books.google.fr/books?id=YwOJ3iWMeHMC&lpg=PA16&ots=-zlTqtlwKa&dq=yvon%20le%20scanff%20mythologie%20du%20jardin&pg=PA219#v=onepage&q&f=false

 

La sensibilité romantique à l’égard de la nature se présente d’abord comme un refus du système symbolique de la mythologie. Dans le Génie du christianisme, Chateaubriand, affirme que le panthéon antique, « loin d’embellir la nature, en détruit les véritables charmes » en la réduisant et en bannissant la vérité. La mythologie et « ses élégants fantômes » en est la cause. Elle a ôté à la création « sa gravité, sa grandeur et sa solitude ». Le christianisme a chassé tout cela : « le vrai Dieu, en rentrant dans ses œuvres, a donné son immensité à la nature ». Le jardin romantique est donc un jardin culturellement chrétien. Le rejet de la vision mythologique s’accompagne donc d’une sacralisation qui en serait la relève (morale et esthétique), si l’on en croit Madame de Staël : « La nature, que les anciens avoient peuplée d'êtres protecteurs qui habitoient les forêts et les fleuves, et présidoient à la nuit comme au jour; la nature est rentrée dans sa solitude, et l'effroi de l'homme s'en est accru ». Ce changement de paradigme, que marque l’avènement d’une représentation chrétienne en lieu et place d’une mythologie antique, se double d’une promotion du jardin romantique et d’une critique du jardin classique. Le jardin de la rue Plumet dans Les Misérables est l’emblème de cette vision hugolienne et romantique de la nature dans son rapport à l’homme. Ce jardin, où « Paphos (s’est) refait en Eden », est l’emblème romantique d’une métaphysique de la nature, d’une politique de la fraternité, d’une érotique de la pudeur.

 
 

« La fécondité de l’opposition Nord/Sud dans l’esthétique sandienne »

Article paru dans L'Image du Nord chez Stendhal et les romantiques, textes réunis par Kajsa Andersson, Publications de l’Université d’Örebro, 2006, tome III (pp.307-317).

 

  

L’opposition nord-sud ne détermine pas chez George Sand un simple cosmopolitisme littéraire. Elle donne plutôt naissance à un réseau structuré d’oppositions qui se déclinent sur les plans de l’imaginaire, de l’esthétique, de l’idéologie pour créer une poétique de la représentation littéraire originale et synthétique. La théorie des climats, issue de Montesquieu et relayée par Madame de Staël, vient en appui de cette intuition géo-esthétique : la nature du Nord et la nature du Midi engendrent et déterminent des sensibilités qui correspondent aux grandes tendances esthétiques dont le romantisme sandien est un des creusets féconds. La distinction Nord/Sud se double de l’opposition entre les figures esthétiques (Gilles Deleuze) de l’artiste et du poète, et se déplace sur le plan de la représentation pour structurer une antinomie esthétique entre le fini et l’infini. La problématique esthétique est dès lors parfaitement conséquente et livre l’opposition paradigmatique suivante : Nord-poète-invible-infini-idéal-sublime / Sud-artiste-visible-fini-sensible-beau pittoresque. Ainsi, à l’opposition géographique nord-midi (Suède-Italie dans L’homme de neige, France-Allemagne dans Mouny-Robin par exemple) s’adossent des éléments constitutifs et problématiques d’une poétique du personnage, du paysage voire du genre littéraire. Cependant, cette opposition structurante de la poétique sandienne ne prend sens que dans le projet synthétique et syncrétique d’une recherche de la totalité heureuse par les moyens de l’esthétique littéraire. En effet, dans la poétique sandienne, la synthèse et l’unité prévalent par-delà les oppositions : à partir de cette problématique esthétique, les ressources littéraires de l’écrivain vont lui permettre de proposer une série de solutions qui puissent, sur le plan de l’écriture, permettre une création littéraire libre et non contrainte. Elle devra tenir la balance égale entre le souci éthique (le poète, la jouissance, le bonheur) et les aspirations esthétiques (l’artiste), entre le fini et l’infini, entre l’attrait de la force (le sublime) et le devoir formel (le beau), entre un certain réalisme et le subjectivisme (la fantaisie) et l’idéalisme (le fantastique) romantiques. Ainsi, le paysage idéal doit être l’expression de cette synthèse des catégories quasi-esthétiques du Nord et du Midi (l’œil et la pensée, l’enthousiasme et la rêverie, la grâce et le sublime) ; le personnage héroïque (le poète du nord ou l’artiste du sud) accède à la plénitude de son être par la reconnaissance de l’autre (en soi) ou l’initiation à l’autre (hors de soi) ; enfin certains genres sandiens de prédilection (la fantaisie et la légende) sont même parfois le fruit d’une sorte de négociation littéraire entre les valeurs idéologiques contraires mais non nécessairement contradictoires du Nord et du Midi.

 

« Loutherbourg et Vernet, peintres paysagistes dans le Salon de 1863 »

Article paru dans Geneviève Cammagre et Carole Talon-Hugon (dir.), Diderot, l’expérience de l’art, PUF, collection « CNED », 2007, pp.149-160.

Dans ce passage du Salon de 1763, les préférences de Diderot en matière de peinture de paysage vont à ces deux derniers peintres qu’il associe, au-delà de leur mérite académique, pour constituer d’abord une sorte de parallèle anthologique de l’art de la peinture de paysage qui se développe ensuite en deux vibrants éloges organisés selon la disposition rhétorique du genre épidictique, pour enfin proposer une poétique de l’ekphrasis fondée sur une double modalité du transport esthétique, et par conséquent deux modalités du discours critique, qui pourront d’ailleurs échanger ultérieurement leurs prérogatives, tant elles signifient uniment le plus haut degré de l’émotion esthétique : l’absorbement et l’étonnement, la rêverie délicieuse et l’extase sublime, la promenade critique et le jugement enthousiaste.

 

 

« L’espace dans Un balcon en forêt et La Presqu’île »

Article paru dans Marianne Lorenzi (dir.), Julien Gracq, Les dernières fictions, PUF, collection « CNED », 2007, pp.40-57.

 

« La rencontre amoureuse dans Un balcon en forêt et La Presqu’île

Article paru dans Marianne Lorenzi (dir.), Julien Gracq, Les dernières fictions, PUF, collection « CNED », 2007, pp.103-117.

 

La rencontre amoureuse est un motif littéraire presque incontournable du roman. Dans son célèbre ouvrage, Jean Rousset a même tenté, dans une perspective structurale, de la définir comme une « forme fixe » du roman. Le critique s’en tient toutefois à la « scène de première vue dans le roman », et non à la « rencontre amoureuse » en général, et si les romans de Gracq ne font pas partie du corpus des œuvres analysées par Rousset, ils n’en sont pas moins exemplaires pour autant : on se souvient par exemple de la magistrale scène de première vue du Rivage des Syrtes (I, 595-596), avec l’ « apparition inattendue » de la « silhouette dominatrice » : Vanessa Aldobrandi, la « reine du jardin ». Et de fait, les œuvres de notre corpus proposent également, et sans surprise, de telles scènes en déclinant un certain nombre de variations sur le motif (rencontre d’une femme, femme de rencontre ou femme à rencontrer). Mais, concernant les dernières œuvres romanesques de Gracq (œuvres de la fin du romanesque ?), plus que de variations, nous pourrions avancer l’idée de subversions du modèle, tant le motif semble appeler à jouer d’autres rôles, à transmettre, bien au-delà d’une stricte fonction romanesque, d’autres leçons sur la destination et la révélation de la rencontre amoureuse.

 

 

« Les paradoxes du sublime romantique: une sublimation du négatif »

Article paru dans Des Lumières à l'Europe romantique des nations: les paradoxes du sublime, textes réunis par Patrick Chézaud et Denis Bonnecasse, Editions Gérard Montfort, 2007, pp.113-124.

 

Dans le passage (presque insensible) des Lumières au romantisme, l'expérience du sublime semble prendre une orientation nouvelle. Même si les références théoriques (Longin, Burke, Kant, Schiller) semblent avoir fermement et sans doute définitivement constituées l'esthétique, la thématique, la topique de ce concept paradoxal, la redéfinition romantique, moderne, chrétienne confère au sublime une autre dimension qui prend néanmoins appui sur ses données essentielles et fondamentales. Il s'agit, certes, sur un plan philosophique d'un passage du sensualisme à l'idéalisme, mais surtout, et plus fondamentalement, d'une intégration d'un concept esthétique au sein d'une civilisation cohérente qui se définit comme modernité littéraire et comme rupture culturelle. L'enjeu de cette conversion se trouve précisément défini au tournant du XIXème siècle, à l'occasion du débat qu'entretiennent conjointement et parfois contradictoirement Mme de Staël (De la littérature) et Chateaubriand (Génie du christianisme) dans les années 1800-1802. Le sublime devient alors le signe d'une rupture, d'une radicalité (modernité nordique, christianisme), d'une négativité. Les formes et les figures du sublime se trouvent alors réinterprétées: Ossian est ravi au néo-classicisme pour devenir une figure du sublime chrétien (Chateaubriand) ou tout du moins romantique (Mme de Staël), le recours au christianisme (ou à la modernité nordiste) offre également la possibilité d'intégrer une poétique de la privation fondée sur des "objets négatifs" qui va permettre au sublime romantique de marquer son originalité et sa spécificité par la promotion d'une négativité certaine qui transforme en profondeur l'esthétique (notamment l'appréhension du paysage du sublime taraudé par l'invisible, l'infini, la vacuité, l'expression du désert…) et l'éthique (le héros négatif, la conversion de l'enthousiasme en accablement, les formes du sacrifice, le renoncement, l'abnégation, la résignation…).

« Le rayon vert et le problème de la représentation romanesque ».

Article paru dans Jules Verne ou les inventions romanesques, textes réunis par Christophe Reffait et Alain Schaffner, Editions Encrage Université, collection « Romanesques », 2007, pp.249-262.

 

 

Ce roman est construit autour d’un paradoxe créateur : il mène une recherche sur la nature même du romanesque sans pour autant se présenter comme un roman « romanesque ». Il faudrait plutôt parler alors de roman du romanesque, voire de roman du romanesque romantique. La mise en abyme du romanesque est une des constantes de l’écriture vernienne dans Le rayon vert : les références littéraires, romanesques et romantiques (Scott et Ossian notamment) saturent le récit jusqu’à en mettre à distance critique l’illusion référentielle et l’argument romanesque lui-même qui ne devient qu’un effet de « lecture » (à un double niveau) et de réécriture. Ce roman méta-romanesque, se présente alors comme un débat sur la représentation romanesque, comme une mise en scène des possibilités et des valeurs de cette représentation : les personnages principaux incarnent des visions du monde que le romancier met en jeu au sein d’une intrigue épurée, mais fermement structurée par des parallélismes et des oppositions. Le rayon vert, en tant que phénomène visible, est l’occasion, si ce n’est le prétexte, d’un débat entre ces niveaux de lecture qui ont trait à la représentation du monde extérieur : représentations matérialiste (Aristobulus Ursiclos), romantique (Helena Campbell), et artistique (Olivier Sinclair). Il semble que la résolution romanesque présentée par Le rayon vert cherche à maintenir l’exigence de la représentation référentielle en la subsumant par une vision esthétique du monde qui puisse rendre compte du « sens artiste de la nature » afin de la protéger et d’en jouir. Ce conflit des facultés romanesques se résout donc dans une valorisation de l’artiste et de sa vision transfiguratrice et néanmoins « réaliste » (ni matérialiste, ni fantastique). Il n’est pas innocent que le roman se termine sur la création d’une œuvre, celle du peintre précisément, qui magnifie l’apparence et la représentation de la nature, sans en être la reproduction.

 

« Gautier en voyage : la description et la poétique piranésienne ».

Article paru dans « La maladie du bleu ». Art de voyager et art d’écrire chez Théophile Gautier, textes réunis par Alain Guyot, Bulletin de la Société Théophile Gautier, Montpellier, 2007, n°29, pp.113-127.

 

 

Giovanni Battista Piranèse (1720-1778) apparaît comme le modèle pictural du cauchemar architectural. Il reprend aussi cette idée que, chez Piranèse, le « monument prend l’aspect du cauchemar » et que la « ruine semble vivre d’une vie étrange et monstrueuse ». Gautier décrit la « terreur architecturale » ou le « cauchemar architectural » de Piranèse comme un « dédale de rampes, d’arcades, de colonnes, de clefs de voûte, de poutres enchevêtrées » où les « voûtes » sont « noires », « suantes », « prêtes à crouler » où poussent « dans ses décombres des plantes qui ont l’air de serpents » et où tortillent « si hideusement les jambes difformes de la mandragore entre les pierres lézardées et les corniches disjointes ». Cependant, tout ce qui rapproche ces descriptions piranésiennes de l'esthétique sensualiste du roman noir (les prisons, les tortures, les supplices, l'obscurité…) doit aussi être pensé comme relevant d’une stratégie littéraire et d’une ambition esthétique. Le cauchemar est l’instrument privilégié de la révélation de la réalité à elle-même, il a une vertu apocalyptique qui motive et justifie la présence de la description viatique comme genre littéraire et non seulement comme simple transposition référentielle. Le cauchemar architectural fonctionne comme un double fond du réel mais fonde aussi un subjectivisme paradoxal, une sorte de maniérisme descriptif. Ainsi, Venise est perçue en fonction d’une « architecture intérieure » qui caractérise la manière noire de Gautier : « jamais la réalité n’a moins ressemblé à elle-même que ce soir-là », mais on pourrait penser que jamais elle n’a autant ressemblé au désir littéraire de l’écrivain-voyageur et de sa poétique viatique. Le cauchemar architectural relève également d'une conception gautiériste et romantique de la description : l’objet est déformé par le regard du sujet et les lois de la représentation sont subverties. Gautier parle par exemple des « délires extravagants de Pyranèse », d' « étonnantes hallucinations architecturales » et rappelle que « Piranèse se plaît à bâtir avec sa pointe d’aquafortiste des constructions chimériques, mais douées d’une réalité puissante et mystérieuse ». Gautier transpose les folies architecturales du graveur en délires descriptifs : la vision descriptive et a priori référentielle du récit de voyage s’accorde avec les visions hachichines des expériences stupéfiantes plus (Une nuit de Cléopâtre) ou moins (Le club des hachichins, Le Hachich) fictives de Gautier. Enfin, la poétique piranésienne de la description dans les récits de voyage de Gautier pourrait bien être redevable d’une esthétique du sublime : la terreur de l’enfermement est aussi délire architectural de l’infini, prolifération descriptive de l’indéfini. A la façon du graveur, Gautier étire et biaise avec génie les lois de la perspective pour désorienter et accabler son lecteur et, comme Piranèse qui représentait les ruines de l’architecture (plus que des ruines d’architectures), on pourrait penser que Gautier représente dans ses récits de voyage l’indétermination fondamentale de toute description de paysage (naturel ou urbain).

 

« Les Lettres d'un voyageur de George Sand : une poétique romantique du paysage ».

Article paru dans Les Lettres d'un voyageur de George Sand, une poétique romantique, textes réunis par Damien Zanone, Recherches et travaux, Grenoble, Université Stendhal-Grenoble 3, n°70, 2007, pp.167-180.

Disponible sur : http://recherchestravaux.revues.org/index230.html

 

En tant que récits de voyage, ou plutôt « impressions » de voyage, cette « œuvre informe » pose la question des conditions de possibilité et de réalisation de la description dans le cadre d’une réflexion sur l’art du paysage littéraire. La poétique sandienne est d’autant plus originale qu’elle se fonde sur une tension créatrice à l’endroit de la description de paysage. Elle met en œuvre une tension entre l’objet naturel et le sujet, labile, et sans doute expérimental, qui se présente comme auteur et donc responsable de la description. Cette tension romantique entre objectivisme et subjectivisme, est redoublée, chez Sand, par une réflexion sur les ambitions littéraires de la description : le pittoresque et le sublime sont alors sollicitées pour proposer une poétique originale du paysage littéraire comme synthèse de l'expérience sensible qui dépasse, subsume et convertit les catégories pour le moins diverses, voire contradictoires, de la théorie esthétique. Cette tentative vise à éviter les risques de la négativité d'un sublime nécessairement indicible ou abstrait dans son rapport à la possibilité d'une quelconque expression ou création artistique, en même temps qu'il cherche à relever le pittoresque d'une approche convenue, extra-littéraire, pseudo-objective qui nie le paysage en tant qu'expérience intégrale de l'être humain sensible et pensant. Les solutions esquissées sur le plan de l’écriture fondent ainsi l’originalité de la démarche sandienne et l’inscrivent au cœur de la problématique esthétique du romantisme.

 

«  Le point de vue de l’exil dans les paysages de Chateaubriand ».

Article paru dans Ecritures de l’exil, textes réunis par Daniele Sabbah, Eidôlon, n°85, Presses Universitaires de Bordeaux, 2009, pp.159-169.

 

 

L’appréhension du paysage naturel est au cœur d’une poétique descriptive qui prend l’exil comme structure d’horizon : « Les tableaux de Virgile (…) représentent toute la nature : ce sont les profondeurs des forêts, l’aspect des montagnes, les rivages de la mer, où des femmes exilées regardent, en pleurant, l’immensité des flots ». Dans cette poétique du paysage exilique, émergent un certain nombre d’éléments structurants dont le point de vue et la perspective. Le point de vue est peut-être moins celui du « poète dans le paysage » (qui permet un authentique portrait de paysage, moral et physique) que celui du poète devant le paysage (qui met en scène la position de l’exilé dans une limite, dans un entre-deux). Ce dispositif de redoublement visuel qui consiste à cadrer de dos un personnage qui contemple et donne ainsi à voir ce qu’il contemple est caractéristique de la manière de Chateaubriand et elle rejoint par ailleurs le style mélancolique des toiles avec Rückenfigur de Friedrich comme une donnée de la poétique du romantisme. Regarder ailleurs, c’est en effet par excellence le point de vue de l’exilé sur le paysage. La perspective ouvre alors sur un lointain en fuite indéterminée, aspirée par l’horizon : c’est voir au loin, mais aussi voir de loin, un paysage essentiellement en retrait. « Posant et effaçant l’objet tout ensemble », cette poétique de la description privilégie donc des « objets négatifs » qui constituent paradoxalement la positivité du paysage. Le négatif est paradoxalement affirmation d’une présence, mais privée de positivité, c’est, chez Chateaubriand, plutôt une « réalité affectée d’une négation » que « l’envers d’une affirmation ». Il s’agit moins d’un paysage du vide qu’un paysage vidé. Paradoxalement, le paysage se compose par accumulation et réduplication de vides successifs comme si le comble de la lacune permettait de combler la lacune. D’une certaine façon, le souvenir est une transposition sur l’axe temporel du point de fuite auquel se résume les grands paysages négatifs de Chateaubriand. Chateaubriand met d’ailleurs en rapport le temps et l’espace comme expérience de la négativité : « le temps et le monde que j’ai traversés n’ont été pour moi qu’une double solitude ». De même que l’horizon s’organise en tiroirs successifs, de la même façon, la mémoire de l’exilé indexe le paysage contemplé à un certain nombre de signes mémoriels. L’exilé voit double : « maintes fois en voyant le soleil se coucher dans les forêts de l’Amérique, je me suis rappelé les bois de Combourg ». Le souvenir devient la structure d’horizon du paysage et toute description est évocation d’un paradis perdu. Comme ses paysages, l’itinéraire de l’écrivain est constitué d’un ensemble de tiroirs biographiques qui organisent la vie comme un destin, qui la composent à la fois comme une succession d’exils mais aussi comme unité du moi. « Mes souvenirs se font écho » note-t-il  très justement. Ainsi l’écriture apprivoise l’exil et trouve le remède dans le mal et l’identité dans la différence. De même que les horizons successifs, par une sorte d’accumulations de vides construisaient un paysage, de la même façon, dans la discontinuité biographique de l’exil, l’écriture tisse et compose une trame autobiographique, produit un paysage mental, un « chez soi » comme le dit justement Jean-Pierre Richard. Le lieu de l’exil est le lieu de l’écriture mais l’écriture est le lieu de l’écrivain.

« La nature sublime de la Révolution (Michelet, Quinet, Hugo) ».

Article paru dans Histoire(s) et enchantements : Hommages offerts à Simone Bernard-Griffiths, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, CELIS, « Révolutions et Romantisme », 2009, p. 321-333.

 

 

 

« Gautier et le moment Corot du paysage »

Article paru dans la Revue d’Histoire Littéraire de la France (RHLF) : « La critique d’art comme genre littéraire de Diderot à Claudel », vol. 111, 2011/2, p. 405 à 416. Disponible sur:

http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RHLF_112_0405

 

 

«Le roman suspendu par le sublime (Corinne de Mme de Staël)»

Article paru dans Romanesques, n°4 «Romance», Encrage Edition, Amiens, 2011, p. 21-38.

 

 

 

 

« La femme-Mab : essai de mythologie sandienne »

Article paru dans Romantisme, n°155, premier trimestre 2012, p. 111-122.

Disponible sur: http://www.cairn.info/revue-romantisme-2012-1-p-111.htm

http://www.armand-colin.com/revues_num_info.php?idr=13&idnum=420568

 

 

La reine Mab est un des rares poèmes de George Sand. Cette ballade a paru pour la première fois le 15 décembre 1832 dans les Soirées littéraires de Paris, dans un keepsake publié par les soins de Madame Amable Tastu. Le traitement sandien de la figure de la Reine Mab met en place une configuration thématique qui va structurer, par la suite, dans l’ensemble de l’œuvre romanesque de Sand, un type de représentation spécifique de la féminité que par commodité nous appellerons la « femme-Mab ». A la fois muse et nymphe, profondément ambiguë et ambivalente, elle révèle ainsi moins l’être de la femme que la représentation fantasmatique d’un regard masculin où la Femme-Mab se trouve être à la fois et contradictoirement objet et médiatrice d’un désir illusoire dénoncé par la vérité du roman.

« Musset et la comédie du remariage »

Article paru dans F. Lestringant, B. Marchal, H. Scepi (dir.), Musset, un trio de proverbes Paris, Classiques Garnier, 2012, p. 67-80.

 

 

A partir des analyses de Northrop Frye (sur la comédie romanesque shakespearienne dans Anatomie de la critique) et, à sa suite, de Stanley Cavell (sur la comédie hollywoodienne dans A la recherche du bonheur, Hollywwod et la comédie du remariage), il nous a semblé intéressant de considérer le paradoxe créateur qui anime les proverbes dramatiques de Musset (notamment On ne badine pas avec l’amour, Il ne faut jurer de rien, Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, mais aussi On ne saurait penser à tout ou encore Un caprice) à savoir l’idée qu’ils pourraient bien être moins des comédies du mariage que des comédies du remariage, pour reprendre le concept forgé par Stanley Cavell, comme s’il s’agissait moins d’unir les couples – la réciprocité amoureuse semble d’emblée une évidence – que de les réunir (avec des réussites diverses en l’occurrence). Tout l’enjeu de ces comédies vise alors à refaire le mariage, comme si tout mariage réussi ne pouvait être qu’un (éternel) remariage. Pour ce faire, comme Shakespeare dans ses comédies romanesques, Musset dramaturge emprunte bien davantage les voies de la comédie ancienne ou platonicienne que celles de la nouvelle comédie aristotélicienne, pour reprendre les concepts et la terminologie de Northrop Frye : le héros comme l’héroïne doivent moins surmonter un obstacle extérieur qu’un obstacle intérieur. La comédie du remariage passe donc par l’expression d’un renouvellement, d’une renaissance de l’être et de son langage : métamorphose, reconnaissance, réconciliation ; et c’est à l’art de la conversation (comme une sorte de maïeutique dramatique euristique) qu’est dévolue cette mission pour que le remariage advienne grâce au retour (et au détour) d’un Naturel dénaturé par la convention sociale.

Site de l’éditeur: http://www.classiques-garnier.com/editions/index.php?page=shop.product_details&flypage=flypage_garnier.tpl&product_id=832&category_id=10&keyword=musset&option=com_virtuemart&Itemid=48

 

 

« Le Contrebandier de George Sand: formes et figures de la marginalité »

Article paru dans Pascale Auraix-Jonchière, Simone Bernard-Griffiths et marie-Cécile Levet (dir.), La marginalité dans l’oeuvre de George Sand, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2012, p. 263-279.

 

Dans son ultime projet de classement pour ses Œuvres complètes, George Sand a bien pris soin de placer Le Contrebandier non pas dans la première section consacrée aux « Romans et nouvelles », mais dans une deuxième division consacrée aux « Contes, légendes et fantaisies ». Cette section regroupe des œuvres très diverses et reste, de loin, l’ensemble le plus hétéroclite du projet sandien, comme si elle avait pris soin de réserver une place aux œuvres précisément inclassables de sa production littéraire. Le Contrebandier est d’un point de vue formel d’une rare complexité : Sand le qualifie d’ « histoire lyrique », mais aussi de « paraphrase fantastique », ou encore de forme « « lyrico-fantastique ». Son genre est indécidable : transposition paraphrastique d’un rondo de Liszt, il en garde un aspect lyrique jusque dans sa forme pour s’apparenter à une sorte de poème dramatique, proche de ceux de Lenau ou de Byron par exemple. Il se présente pourtant comme un fragment prosaïque. De la même façon, son registre fantastique revendiqué doit se comprendre comme l’expression d’une fantaisie sombre et inquiétante qu’incarne évidemment la figure centrale du contrebandier, personnage marginal s’il en est, et emblème de l’artiste par excellence. C’est ce travail sur les marges de l’art et de l’esthétique littéraire (que le personnage central met d’une certaine façon en abyme dans la fiction) que nous aimerions interroger dans le cadre d’une réflexion sur l’écriture marginale et les écrits marginaux chez Sand afin d’en extraire quelques éléments fondateurs d’une poétique.

Site de l’éditeur: http://www.msh-clermont.fr/spip.php?article3346

« Forêt verte et forêt noire : une polarité romantique ».

Article paru dans La forêt romantique, études recueillies par Vigor Caillet, Eidôlon, n°103, Presses Universitaires de Bordeaux, 2012, p.159-171.

 

 

Dès le Moyen-Âge, la forêt, emblème de l’extériorité absolue de la Nature, prend un caractère ambivalent : forêt « noire » de l’inhumain, du sauvage et de l’étrange ; elle est aussi la forêt « verte » de la vie originelle et du ressourcement originaire. Le Romantisme reprend cette double orientation pour l’appréhender comme polarité de son imaginaire. La forêt dantesque et infernale où prédomine le chaos et la terreur c’est précisément cette « Forêt-Noire » dont parle par exemple Hugo : « forêt lugubre d’Albert Dürer » mais aussi « forêt terrible de Salvator Rosa ». Cependant la terreur est l’indice d’une énergie essentielle : la forêt de Faggiola dans l’Abbesse » de Castro est certes une forêt terrible, mais elle doit surtout son existence à l’énergie d’un volcan éteint… Ainsi la forêt romantique est un motif à double-fond : sa terreur sombre n’est que l’expression d’un excès d’énergie. S’y plonger c’est donc aussi s’y ressourcer, s’y régénérer au sein de la sublime (mais terrible) magnificence d’un paradis sans doute perdu à jamais (Tocqueville, Chateaubriand en Amérique ou Fontainebleau pour Senancour et Flaubert).

 

 

« Obscurité »

Article paru dans Alain Montandon (Dir.), Dictionnaire de la Nuit, Paris, Éditions Champion, 2013, vol. II, p. 961-974.

« Hugo et les Proses philosophiques (1860-1865): encore une autre philosophie de la nature ? »

Communication au Groupe Hugo du 18 janvier 2014. Université Denis Diderot-Paris 7. CERILAC, Littérature et civilisation du 19ème siècle. Groupe de travail universitaire sur Victor Hugo.

Disponible sur: http://groupugo.div.jussieu.fr/Groupugo/14-01-18lescanff.htm

 

 

« Stendhal, Michelet et la France: le lisse et le strié »

HB revue internationale stendhalienne, n°19, 2015, p. 271-282

Informations de l’éditeur: http://www.euredit-editions.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=193

 

« Le jardin et son autre »

Dans Carmo S. et Néné P. A. (dir), Des jardins autres, Paris, Archives Karéline, 2015, p. 43-64.

Présentation de l’ouvrage: https://sites.google.com/site/jardinsautres/home

 

 

« Sublime », « La Reine Mab », « Le Toast », « Cora », « Lavinia », « Le Contrebandier », « Mademoiselle Merquem », « Ce que dit le ruisseau », « Le Ruisseau », « Après la mort de Jeanne Clésinger », « La Blonde Phoébé », « Journal intime de 1834 », « Entretiens journaliers », « Sketches and hints », « Journal de novembre-décembre 1851 », « Le théâtre et l’acteur », « Le théâtre de marionnettes ».

Dans Dictionnaire Sand, dirigé par Pascale Auraix-Jonchière, Simone Bernard-Griffiths, Paris, Honoré Champion, 2015, 2 vol.

 

«Jardin et Paysage», «Romantique», «Bataille», «Nietzsche», «Schopenhauer»

Dans Arts et émotions, dictionnaire sous la direction de Mathilde Bernard, Alexandre Gefen, Carole Talon-Hugon, Paris, Armand Colin, 2015, 480 pages.

« Sublime et terreur dans Quatrevingt-treize ». Journée d’études sur Quatrevingt-treize de Victor Hugo, organisée par Caroline Juliot et Franck Laurent, Le Mans, Université du Maine, 21 novembre 2015. Actes du colloque en ligne: http://3lam.univ-lemans.fr/fr/publications/articles-sur-quatrevingt-treize-de-victor-hugo.html

 

 

- « Comment infinir ? Le sublime »
Communication au colloque d'agrégation des 4-5 novembre 2016. Disponible en ligne :
http://groupugo.div.jussieu.fr/Groupugo/Colloques%20agreg/Les%20Contemplations/Textes/Le%20Scanff_Sublime.htm

- « Senancour et le roman naturel : Oberman »,
Dans la Revue d’Histoire littéraire de la France, 117e année - n° 3, 3-2017, p. 581-603.

- « De la nature morte en littérature : quelques réflexions préliminaires » (avec A. Guyot),
Dans Alain Guyot, Yvon Le Scanff (dir.), « La nature morte littéraire au XIXe siècle », Revue d’Histoire Littéraire de la France, 118ème  année, n°2, 2-2018 (avril-juin), p. 259-267. DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08105-0.p.0003

- « De la nature de la nature morte : l’objet et la chose »,
Dans Alain Guyot, Yvon Le Scanff (dir.), « La nature morte littéraire au XIXe siècle », Revue d’Histoire Littéraire de la France, 118ème  année, n°2, 2-2018 (avril-juin), p. 269-285. DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08105-0.p.0013

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